Luna Paese / MAD(E)LINE

Le mot MENACE flotte dans l’air, porté, soutenu par un rythme de basse, vaguement ombragé par un bruit fantôme dont le grondement sourd mais insistant sature lentement le paysage dépouillé du plateau. Une petite flamme vive éclate, l’odeur d’encens se répand irrésistiblement. Luna Paese entame sa pièce par une offrande. 


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Meurtrière de Philippe Grandrieux

Dans la continuité de White Epilepsy, dont il reprend en un sens le dispositif de réalisation en lui donnant une direction inédite, le film Meurtrière retrouve la question du monstrueux, qui devient ici une figure en dialogue avec des possibilités plastiques libérées par un geste pictural. Meurtrière en effet, par ses motifs et sa texture, tout en restant dans l'ordre qui est le sien — celui d'une recherche sur l'entrée en présence du corps au cinéma — fait songer tout à tour à Goya et à Bacon, parmi bien d'autres, dans la manière qu'il a de mettre en scène une forme de démembrement des corps en quelque sorte dévorés par la caméra. Cette dimension du cinéma comme dévoration était du reste annoncée à la fin de White Epilepsy, par l'apparition, à la fois violente et épiphanique, dans une lumière inattendue et tranchante, de ce visage de femme à la bouche sanglante.


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Négociations, Chapter 1-i, Em’kal Eyongakpa

Pousser la porte de la Fondation Kadist nous conduit à pénétrer dans un étrange sanctuaire où le monde extérieur nous saisit avec une force insoupçonnée, dans une kyrielle de voix à la fois familières et enchanteresses, tissant les épaisseurs d’une multitude de fictions phonographiques. Le pouvoir du son est augmenté par un traitement de l’espace qui revendique un dépouillement minimaliste, véritable caisse de résonance, avec ses aspérités, tout sauf lisse et impersonnelle, marquée par les traces d’un corps à corps acharné. 


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White Epilepsy de Philippe Grandrieux

Un corps nu, vu de dos, apparait d'abord dans un état de virilité, comme une force contenue et sur elle-même repliée. C'est une carrure, livrée dans une ambiance sonore singulière, qui vient donner un poid supplémentaire au fond obscur sur lequel cette figure solitaire apparait, et dont elle ne pourra se soustraire à aucun moment. White Epilepsy se donne d'emblée comme un mouvement d'étrangeté visuelle et sonore, une abstraction en acte, qui est moins un postulat qu'un procesus et son résultat : un estrangement. Cette décision plastique est une manière de reconduire le corps à sa seule présence, de le chercher au lieu-même de son immédiate puissance d'expression.


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Camping au CND

La présence de Mathilde Monnier commence à se faire remarquer entre les murs du CND. L’institution s’anime dans un mouvement d’ouverture ébouriffant et accueille l’été sous les auspices de Camping, plateforme chorégraphique internationale dédiée à l’échange des savoirs et des pratiques et à la mise en partage des expériences créatives. Les étudiants de neuf écoles de danse et plus largement d’écoles d’art, de Londres à Séoul, en passant par Cergy, Montpellier (EXERCE) ou Bruxelles (P.A.R.T.S.) se rencontrent à Pantin. 


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Emily Mast / INDEX

Ses interventions performatives étaient très attendues. L’instant, le vivant, voici son terrain de prédilection, même si le projet curatorial MISSING MISSING au centre d’art contemporain La Ferme du Buisson nous a montré qu’Emily Mast arrive parfaitement à négocier la temporalité longue d’une exposition monographique.


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Kat Valastur / Ah ! Oh ! A Ritual

Après avoir puisé pour ses précédentes créations dans les courants souterrains de l’Odyssée d’Homère, Kat Valastur semble regarder pour cette nouvelle pièce du côté de la descente graduelle de l’Inferno de Dante. Le motif du cercle rythme le travail, repris jusqu’à l’épuisement, il laisse progressivement filtrer sa puissance archétypale.


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Cinéma / Parole. La fragilité

J’ai regardé hier soir un film magnifique sur Chet Baker, un documentaire qui est uniquement un montage de films noir et blanc, tournés du vivant du musicien. Des scènes de son enfance, de sa jeunesse, des longs plans d’une interview réalisée un an avant sa mort, quand il a 57 ans et qu’il en parait 15 de plus.


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La mer du sable de Sarah Klingemann

Le cinéma partage avec la poésie la possibilité de faire exister, dans une concomitance qui ne demande a priori aucune justification extrinsèque, des temps et des espaces séparés. Qu'un dedans sans fenêtres apparentes puisse ouvrir sur une extériorité qui se tient loin de lui ne fait que rappeler la liberté gratuite et aventureuse du montage, dont la vocation est sans doute de déplacer des lignes dans le paysages à partir de matières variées, où notre regard peut être guidé et se perdre tour à tour, comme lorsqu'il s'abandonne à un horizon offert tout entier et pourtant retenu dans le secret de sa mystérieuse présence. 


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6X6 de Marine Feuillade et Pauline Lecomte

Les premiers accords agressifs du morceau « Orphans » de Teenage Jesus and the Jerk, les cris de Lydia Lunch qui répondent à la guitare électrique, l’image abîmée d’une silhouette courant sur la route, la carcasse d’un véhicule en flammes illuminant la nuit. Puis le silence, des murmures, la prière d’un groupe de filles appartenant aux Guides Unitaires de France (association scout traditionnaliste), leurs chants pendant une messe célébrée dans la forêt. La texture de l’image est encore très dégradée, comme si la violence, le bouillonnement des premiers plans étaient encore là mais masqués, sous-jacents. Dès la séquence d’ouverture, 6X6 invite le spectateur à se méfier des apparences.


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