À bras le corps a besoin de vous ! Nous vous proposons de contribuer directement à l’édition du premier numéro des Cahiers d’À bras le corps, recueil de textes critiques et poétiques attachés à la création contemporaine sous toutes ses formes.
Nous organisons cette grande opération de souscription et de soutien via la plateforme en ligne kisskissbanbank. Rendez vous sur la page du projet pour en découvrir tous les aspects et préacheter votre exemplaire !
Se saisir d’un corps, le tenir, le serrer contre soi… Épreuves de lutte, épreuves d’amour qui laissent sans voix. Quand la langue est défaite, démunie. Par où commence toute écriture : par la nécessité d’accrocher, d’articuler coûte que coûte des mots à des gestes, seule façon de les retenir. La critique doit vouloir les reprendre, les refaire. Être elle-même une force, pousser, aspirer à agir encore, à recommencer. Aimer les œuvres et non les admirer, les continuer dans des poèmes et non les consigner. Toucher, faire éprouver au travers d’un texte ce qui s’est joué sur scène ou à l’écran n’est pas moins créatif que la création. Artistes et spectateurs en même temps, c’est notre condition à tous. « Et que si l’écriture est alors seconde, rien pourtant n’a lieu avant elle. »
Les lieux de manifestation du corps sont pluriels, et pour ainsi dire inépuisables. Tout espace où notre regard peut frayer un chemin est, d'une manière ou d'une autre, distribué par des corps, pour des corps, ne serait-ce que le nôtre, qui doit y trouver une place pour que nos yeux puissent se poser sur les formes qui s'y trouvent.
Il est beaucoup question de films dans ces pages, ce qui s'explique avec une certaine évidence. Le cinéma ne sait pas faire autre chose que filmer des corps. Sous le titre de la pellicule, qui a longtemps été son support de matérialisation, et qui continue, n'en déplaise à l'industrie, de déterminer certaines de ses possibilités fondamentales, le film est également une enveloppe, une peau pour un corps mouvant dont les images dessinent le déploiement. Le cinéma et l'art vidéo recueillent les traces laissées par les corps dans un monde où la caméra elle-même doit se glisser et se mouvoir pour produire ses images.
La création artistique est une lutte. Et lutte également notre relation aux œuvres de l'art, quand elles nous engagent, pour qu'elles nous engagent au plus intime de nous-même. Les œuvres sont données à notre sensibilité, mais celle-ci ne peut les recevoir de manière fécondante, en permettant au sens qui se trame dans cette rencontre à chaque fois singulière entre une forme et un regard qui s'informe, de se déployer, sans vaincre cette puissance d'inertie qui nivelle et indifférencie toutes figures et toutes images pour que nous puissions les recevoir sans heurts ni fracas, c'est-à-dire sans nous laisser questionner par elles.
La critique est une langue qui doit dire d'une œuvre - film, installation, performance, etc - ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas, ce qu'elle cache et ce qu'elle montre, parfois en un seul et même geste. Comme telle, elle doit mettre en évidence le relief, les aspérités, les brèches et les saillies, pour que nous puissions avancer dans ce territoire toujours à découvrir de la création contemporaine. La critique montre ce que le chemin a d'impraticable, pour que nous puissions, comme en montagne, y tracer une voie.