Regards sur le réel

La Belgique a offert, parfois en toute discrétion, des signatures cinématographiques considérables, notamment dans le champ du documentaire, qui est du cinéma tout court, et sans doute le lieu où cet art, vivant de se tramer avec le monde, peut chercher et trouver à déployer des formes qui lui appartiennent en propre. Compris comme l'alliage précieux entre une image et un son, le cinéma, quel que soit le registre dans lequel les auteurs se situent, fictionne et documente à la fois, ce que rappelle le texte de Jean Breschand avec une justesse et une intelligence certaines, qui s'efforce de saisir les 20 films proposés pour composer l'ouvrage dans un mouvement qui les inscrit et les fait communiquer avec l'histoire du cinéma mondial.

Les formes circulent d'un territoire à l'autre, d'une histoire à l'autre, tant et si bien que les films ne pourront jamais avoir fait leur temps, et peuvent continuer d'ouvrir des possibilités nouvelles pour le cinéma bien des années après que les premiers regards se soient émerveillés devant eux. C'est le propre de l'art, à n'en pas douter. La plupart des textes sont signés par quatre auteurs (critiques, écrivains et chercheurs) qui se sont ainsi fixé pour tâche d'explorer, avec précision et érudition, 20 films documentaires emblématiques du cinéma belge. L'occasion nous est ainsi donnée de retrouver les traces laissées par les pratiques filmiques précieuses entre toutes d'Edmond Bernard, dont le film Dimanche est un joyaux de cinéma hors du commun, Boris Lehman, Olivier Smolders et Thierry Knauff, ou de nous faire goûter, par procuration, de manière anticipée, des gestes vers lesquels nous devons encore nous mettre en chemin.

L'ensemble de ces textes compose ainsi un kaléidoscope qui, tourné vers la Belgique et des problématiques qui semblent locales et ne concerner qu'elle, font le regard porter au-delà, vers des pays plus lointains. Le point commun sans doute, qui fait le lien entre ces propositions visuelles fort diverses, c'est l'intimité des cinéaste, pour autant qu'elle peut transformer un simple désir en une nécessité intérieure et impérieuse, donnant à nos mains la force nécessaire pour inscrire des formes dans le réel, envers et contre toutes les difficultés, et elles sont nombreuses, comme le montrent les textes souvent riches de détails sur les conditions de fabrication de ces films, qui ne manquent pas de se présenter quand le film se met en marche vers le monde.

Les films
1. Images d’Ostende de Henri Storck (1929-1930). 2. Déjà s’envole la fleur maigre de Paul Meyer (1960). 3. Dimanche de Edmond Bernhard (1963). 4. Alechinsky d’après nature de Luc de Heusch (1970). 5. Week-end de Jean-Jacques Péché et Pierre Manuel (1972). 6. Lorsque le bateau de Léon M. descendit la Meuse pour la première fois de Luc et Jean-Pierre Dardenne (1979). 7. Mémoires de Jean-Jacques Andrien (1984). 8. Du verbe aimer de Mary Jimenez (1984). 9. Cantique des pierres de Michel Khleifi (1990). 10. À la recherche du lieu de ma naissance de Boris Lehman (1990). 11. Les Amants d’assises de Manu Bonmariage (1992). 12. D’est, Sud, De l’autre côté de Chantal Akerman (1993, 1999, 2002). 13. Marchienne de vie de Richard Olivier (1993). 14. Gigi, Monica et Bianca de Benoît Dervaux et Yasmina Abdelaoui (1996). 15.Tableau avec chutes de Claudio Pazienza (1997). 16. Le Rêve de Gabriel de Anne Lévy-Morelle (1997). 17. Mort à Vignole de Olivier Smolders (1998). 18. Mobutu, roi du Zaïre de Thierry Michel (1999). 19. Lettre d’un cinéaste à sa fille de éric Pauwels (2000). 20. Wild Blue de Thierry Knauff (2000). 

Les auteurs
Jacqueline Aubenas, Emmanuel d'Autreppe, Jean Breschand, Marc-Emmanuel Mélon, Serge Meurant, Jean-Luc Outers

Regards sur le réel, 20 documentaires du 20e siècle, Yellow Now, 2013 - 30 €


| Auteur : Rodolphe Olcèse
| Lieu(x) & Co : Yellow Now

Publié le 29/01/2014