Mathieu Copeland / Chorégraphier l'exposition

Proposition chorale et polyphonique, Chorégraphier l'exposition montre la nécessité où se trouve la performance de se penser elle-même, dans ses modalités de manifestation. Si l'acuité de la performance tient à sa nécessaire inscription dans la présence, dans un ici et maintenant, la question se pose effectivement de savoir comment l'exposer. Attachée à l'instant de son exécution, la performance a en propre de ne pas chercher à persévérer dans son être. Jouée a priori une fois pour toutes, pour un public qui est là, ce jour, cette pratique bouleverse de facto les habituelles manières que nous avons de fréquenter l'art contemporain. Un objet se voit et se revoit, nous pouvons passer devant plusieurs fois, et lorsque son exposition est achevée, nous savons qu'il sera possible de le retrouver ailleurs, dans un autre contexte, et de lui découvrir d'autres connexions avec d'autres objets.

Construit sur la base d'entretiens ou de textes demandés aux artistes programmés dans le cadre de l'Exposition chorégraphiée, qui s'est tenue il y a plusieurs années à la Kunst Halle de Saint-Gall puis au Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson, cet ouvrage orchestré par Mathieu Copeland n'est pas un catalogue, mais plutôt un moment où une exposition dont il a été le commissaire trouve les moyens de s'exprimer, de sortir d'elle-même ses aspirations et ses inquiétudes profondes. Si, comme dans toute proposition collective, les textes n'ont pas tous la même vigueur ni la même intensité, leur réunion a une dimension chorale effective. Les voix des uns travaillent à moduler et à mettre en valeur la tessiture de celle des autres, pour qu'émerge une parole singulière, capable d'exprimer une problématique elle-même unifiée.

Plusieurs des signatures impliquées dans le livre montrent comment le lieu de monstration de l'art, la galerie ou le musée, est en train de changer, notamment parce qu'il accueille des œuvres qui entretiennent des relations spécifiques avec les points cardinaux qui structurent une exposition : la partition, le corps, l'espace, le temps et la mémoire. On retiendra notamment les interventions de Hans Ulrich Obrist, Catherine Wood ou Boris Charmatz, dont les travaux cherchent à faire bouger les lignes du musée, pour qu'il puisse modifier de manière structurelle sa forme en y recevant des contenus qu'il a, et pour cause, longtemps ignorés.

Chorégraphier l'exposition, Les presses du réel, Dijon, 2013 - 30 €


| Auteur : Rodolphe Olcèse
| Lieu(x) & Co : La Ferme du Buisson

Publié le 11/01/2014