Éditorial
Lieux de cinéma

« La pièce est petite, petit l’écran. Le projecteur est dans la salle. On rallume à chaque changement de bobine. Parfois, le film casse : le public est patient. À la fin, des spectateurs apportent leurs œuvres au projectionniste – qui les passe. On quitte la salle ébloui, las, rasséréné, fiévreux, comme les premiers chrétiens quittaient peut-être les catacombes [1]. »

Ce sont les premières lignes du très bel ouvrage de Dominique Noguez sur le cinéma « underground » américain. Elles disent combien le cinéma est affaire de lieux et d’atmosphères. Les salles modernes, ces déserts conçus comme de vastes espaces commerciaux et publicitaires, sont des tombeaux pour les films. Le cinéma n’y est plus. Ou si peu, si rarement, affleurant, cassant, lorsqu’il surgit au détour d’une projection, les cloisons vernies de ces lieux vides. Ces architectures ont pour but de soumettre nos regards et nos corps à des logiques dont l’art sera toujours absent.

Il faut des lieux au cinéma, non seulement pour le faire (cela commence toujours comme ça : trouver des lieux, les construire en les regardant), mais aussi pour le voir, pour l’avoir. Ce qui fonctionne dans les deux sens, car le cinéma est aussi ce qui donne lieu, ce qui nous ouvre et nous déplace. Être ici et là, ici et ailleurs comme le suggère la réalisatrice Salma Cheddadi dans l’entretien qu’elle nous a récemment accordé, c’est l’expérience à laquelle tout film nous convie. Nous sommes heureux d’être cette année partenaires d’un espace précieux pour le cinéma : le festival Côté Court, dont la 23ème édition se tiendra du 11 au 21 juin au Ciné 104 à Pantin. Comme chaque année, pendant dix jours, il faudra s’y rendre pour voir les films, mais aussi pour en parler avec ceux qui les ont faits. Y apprécier tous les genres et aspects du cinéma : fiction, expérimental, performances, rétrospectives, débats… Notre participation prend d'ores et déjà la forme d’entretiens filmés, accessibles en ligne, avec des artistes programmés lors de cette édition : Salma Cheddadi, Hélène Delprat, Olivier Babinet, Jacques Perconte et Jérôme Châtelain. Vous trouverez également sur notre site des comptes rendus réguliers des grands événements du festival. Rendez-vous donc ici, mais surtout là-bas pour découvrir les œuvres et se rencontrer à travers elles.

Il est encore un lieu au moins en région parisienne où l’on peut vivre une expérience de projection se rapprochant de celle décrite par Dominique Noguez. C’est L’Etna, dont les nouveaux locaux sont voisins de notre bureau au 71 rue Robespierre, à Montreuil. L’Etna est un laboratoire associatif où l’on peut apprendre à développer soi-même le super 8 et le 16mm, mais aussi à prendre en main les outils numériques de montage. L’association organise régulièrement ce qu’elle appelle des « assemblées visuelles », lors desquelles les membres présentent, au gré de leurs envies, leurs travaux en cours ainsi que des objets rares ou insolites. Là encore, nous nous attachons à relayer ici-même les activités de cette structure qui s’emploie à garder le cinéma vivant, à en faire une occasion de parole et d’échange.

À bras le corps est d’abord un site, curieuse façon de nommer un espace numérique dont la localisation est relative. Nous l’entendons comme un relais, un outil d’exposition et de relance vers les œuvres, les créateurs et les lieux qui les accueillent. C’est aussi le cas de notre revue papier, Les Cahiers d’À bras le corps, qui vient matérialiser cette démarche. Le premier numéro, consacré au thème de l’épreuve, est en vente au prix de 8 euros. Pour commander votre exemplaire ou vous abonner, écrivez à contact@abraslecorps.com. Vous contribuerez ainsi à soutenir notre plateforme et à permettre son développement.

À très bientôt, ici ou là !


[1] Dominique Noguez, Une Renaissance du cinéma, le cinéma « underground » américain, p. 9.

 


| Auteur : Damien Marguet

Publié le 11/06/2014