L'Art et les formes de la nature #7. Etienne de France

Récits de la nature

Étienne de France est un artiste qui développe une pratique pluridisciplinaire, touchant aussi bien à l’installation qu’à la sculpture, au dessin ou à la vidéo. Les questions relatives à la nature et au paysage sont centrales dans son travail, et ce, dès ses premières explorations plastiques. Ses premiers travaux articulent ainsi la question des cultures humaines et animales, autour de la question de la communication et des signes. En 2012-2013, ses recherches s’orientent vers une interrogation de la dimension politique des paysages, lieux de lutte dans lesquels sont engagés des peuples autochtones. Le paysage est aussi appréhendé comme espace de résilience, d’imagination et de résistance. Comment travailler avec ces paysages, chargés en termes d’histoire, de traces et de combats à mener pour préserver des formes de vie ?

Au point de départ de The Green Vessel, il y a une sculpture flottante, qui se présente comme une intervention visant à introduire dans la nature des plantes sauvages comestibles. Le travail sur cette sculpture s’est prolongé en la réalisation d’un film éponyme, The Green Vessel, produit par l’articulation de trois résidences de création auxquelles Étienne de France a été invité à participer. Le projet de sculpture a été développé avec le Centre international d’art et du paysage de Vassivière dans le Limousin. L’idée était de déconstruire le bâtiment qui abrite le centre d’art, pour en faire une sculpture flottante installée sur le lac de Vassivière. Le cadre de cette résidence intéressait Étienne de France par le type d’engagement que sous-tend son territoire géographique (le plateau de Millevaches notamment). La sculpture existe comme protocole, comme potentialité évolutive. Ce mélange entre sculpture, architecture et végétation à la fois sauvage et comestible pose également la question de l’œuvre et de l’acte artistique dans l’horizon de l’utopie. Deux œuvres des architectes Yona Friedman et Aldo Rossi se trouvent sur l’île de Vassivière, avec lesquelles la sculpture d’Étienne de France entre en dialogue, interrogeant elle aussi l’horizon de l’utopie comme issue possible de notre présent.

Le film a été réalisé par la suite, avec le soutien complémentaire de deux autres résidences de création : l’une qui a lieu en 2015 en Colombie, avec le centre Flora ars+natura de Bogotá, l’autre en Nouvelle-Zélande, avec Te Whare Hera, résidence internationale artistique de Wellington. Ce qui s’est transformé, dans le projet initial, c’est l’objet narratif. La narration du film s’est écrite dans et par des allers-retours entre le Limousin et la Colombie. La dimension de double récit tient à ce partage des lieux au sein duquel le film s’est développé, nouant un dialogue avec plusieurs géographies. Un autre élément important, dans ce devenir film de la sculpture The Green Vessel, c’est la rencontre avec Peter Watkins, présent lors de la résidence d’Étienne de France à Vassivière. La méthodologie mise en œuvre dans la fabrique du film doit beaucoup à ce cinéaste. Lorsqu’Étienne de France se rend en Colombie, en 2015, il est confronté au contexte d’une ville coloniale sur le fleuve Magdalena. Le projet s’est enrichi de cette proximité du fleuve et des problématiques territoriales qui lui sont liées, lesquelles touchent à la question des barrages, mais aussi d’un contexte agricole confronté à des difficultés politiques spécifiques. En 2016, le projet de film franchit une nouvelle étape, avec les perspectives ouvertes par la résidence de création qui a lieu en Nouvelle-Zélande, entre janvier et mai.

The Green Vessel évoque des questions politiques très actuelles, engagées dans un récit prenant les allures d’une uchronie, ce qui permet de donner au film une forme poétique puissante, qui se noue autour de la figure du narrateur. Le film fait se croiser deux rivières et deux forêts, celles du récit et celles du narrateur lui-même. L’itinérance des personnages les conduit dans un entre-deux – entre deux fleuves, entre deux forêts – en donnant à l’oralité la charge de porter des histoires liées à la contamination des fleuves, à la propriété des terres, à l’accès à l’eau ou à l’agriculture industrielle, toutes thématiques qui ressortissent habituellement à des modes de discours scientifiques ou techniques, et qui prennent ici du relief. Ces problématiques habituellement envisagée à une échelle sociétale s’intégrent ici à une puissance de fabulation propre à nous confronter sensiblement à des situations en excès sur notre expérience sensible des lieux. Le choix de la forme uchronique et de l’horizon fabulatoire est lié à cette question de la science comme objet de fiction, qui permet d’organiser une tension entre le réel et le fictionnel.

Science-fiction et poésie sont deux dimensions qui traversent tout le travail d’écriture et de production d’images d’Étienne de France. Les projets qu’il développe ne sont pas vraiment adaptés aux conditions qu’offre l’économie de l’art contemporain, et notamment au format propre aux résidences. Ce sont des projets qui demandent du temps. Un moyen de contourner cette difficulté structurelle est de mettre la mise en série des résidences de création au profit de l’émergence de la temporalité dont le projet a besoin. En ce sens, les projets d’Étienne de France cherchent aussi à inventer une écologie de l’acte de création, en cherchant à mettre des environnements au service du film sans les épuiser ou les arraisonner à l’acte de création qui s’en saisit. Dans le cas de The Green Vessel, la fiction est ce qui permet d’associer des lieux éloignés les uns des autres, et qui peuvent chacun ouvrir des possibilités dans le film sans que ne soient atténuées ou effacées leurs singularités et leurs aspérités. L’utilisation de la fiction, articulée à une projection dans un futur proche, permet ainsi à Étienne de France de s’inspirer d’un contexte pour imaginer un avenir enraciné dans le réel. Ce geste est à l’image du court texte introductif au film The Green Vessel, qui relève tout autant de l’anticipation que d’une forme d’énonciation du réel. Abolir les questions du temps présent, nouer un dialogue avec différentes temporalités ouvre une zone d’incertitude et nous fait accéder à cet entre-deux qui permet de tenir ensemble et d’associer des territoires séparés. Cette caractéristique est prise en charge dans toutes les dimensions du film, qui s’organise autour d’une dualité constante : un double récit, celui du narrateur et celui de l’équipe scientifique livrée à une enquête sur les causes et les issues d’une pollution fluviale ; une double temporalité, le récit au passé s’articulant à un itinéraire au présent ; un double territoire  (Colombie et Nouvelle-Zélande) ; un double état de l’attention, à la fois aux prises avec le réel et aux prises avec la fiction ; deux langues enfin, également impliquées et engagées dans la recherche de la forme du film.

Le choix de la voix off, cette présence de l’oralité qui met en exergue la puissance propre du récit, a été induit par le contexte de réalisation du film. La Nouvelle-Zélande est en effet le lieu d’une grande tradition orale, notamment chez les différents peuples maoris. Étienne de France a pu découvrir ces traditions grâce au département Maori de l’université de Massey, où il était accueilli en résidence. Son propre travail porte la marque des échanges qu’il a pu engager dans ce contexte, avec des textes d’artistes ou d’anthropologues néo-zélandais ou leaders maoris (Geoff Park, Tamati Kruger) qui ont inspiré de multiples aspects de la forme du film. Le film doit aussi à certains auteurs auxquels Étienne de France est très attaché, comme Borges ou João Guimarães Rosa, dont le livre Diadorim accorde une présence importante à l’oralité. Cette confluence de références a donné lieu à ce double itinéraire que dessine le film et à sa narration s’appuyant sur l’oralité pour interpeller l’audience.

Le recours à la voix off permet également de se protéger du risque, toujours très grand, d’appropriation culturelle. La voix off est intéressante en ceci qu’elle permet de créer des récits de toutes pièces et de leur donner une patine temporelle, tout en y injectant quelque chose d’extrêmement contemporain – les paysages anthropocéniques, la question de la militance, etc. – et de l’enraciner dans une expérience de l’imaginaire. C’est en cela que The Green Vessel est un film qui peut littéralement créer une sensibilité à l’écologie. La forêt y devient un lieu magique, salvateur. Il s’agit d’y trouver des graines rédemptrices dans des lieux fragilisés par les activités humaines.

Le motif de la forêt est également central dans Against the Drought of Signs, Cette installation, qui se présente sous la forme d’une projection sur deux écrans placés en vis-à-vis, propose une analogie entre la forêt et le cinéma. La forêt renvoie à l’idée de prolifération de signes. Elle évoque aussi une profusion de récits possibles. C’est ici, en forêt, que la photosynthèse se produit, et que la respiration trouve ses conditions de possibilités. Les récits sont aussi une question de respiration, une respiration de notre imagination. Quelque chose se produit en forêt qui met l’imagination en mouvement, l’éveille à elle-même et lui permet de s’amplifier. Cela se perçoit dans le simple fait que les forêts sont toujours plurielles, et se donnent comme des lieux de tissage et de relations. Quand nous nous habituons dès l’enfance à habiter la forêt, pour y marcher ou pour y jouer, nous sommes confrontés à des expériences sensorielles particulièrement riches : les forêts sont à la fois abstraites, par la perte de repères qu’elles induisent, et très concrètes, par le débordement sensoriel qu’elles nous font éprouver. L’idée même de construction hiérarchique, qui structure la plupart de nos expériences des lieux, et souvent des paysages eux-mêmes, est complètement abolie par la forêt. Notre expérience du temps aussi est altérée quand nous marchons en forêt : nous y sommes confrontés à notre passé, mais aussi à une certaine idée de notre propre mort. La forêt devient symbolique de la notion de traversée, simultanément physique et existentielle, menée par une interaction charnelle avec l’environnement, sans repères ni cadres normatifs a priori. La forêt est le lieu d’un apprentissage et d’une pratique qui possède ses propres dynamiques.

L’installation Against the Drought of Signs est née d’une invitation faite à Étienne de France par la fondation Mar Adentro à venir faire un projet au Chili, dans une forêt en Araucanie, qui se situe à la base de la Cordillère des Andes. La possibilité s’est alors offerte de développer un projet selon plusieurs temporalités. Cette forêt se trouve sur un territoire où vivait le peuple mapuche en proie à de violentes opérations de dépossession. Étienne de France souhaitait entrer en contact avec certaines communautés, car il lui semblait impensable de réaliser une œuvre dans ce contexte en en ignorant les problématiques coloniales fortes. La dépossession massive du territoire a eu lieu aux XIXe et XXe siècles, et il était important que l’œuvre produite dans ce contexte trouve une manière de répondre à cette situation. Avec Against the Drought of Signs, Étienne de France appréhende la forêt dans une double dimension, à la fois sensorielle et historique. Ces deux aspects sont parfaitement indissociables, dans la mesure où le territoire a subi une grave déforestation suite à l’implantation d’une scierie dans la région, qui s’est trouvée soudain exposée à un extractivisme radical.

La forêt en général, et cette forêt en particulier, peut être le lieu d’un mélange de récits, d’expériences et de formes de vie. C’est ce qui lui donne son caractère de ressource active pour le travail de création. Plusieurs images de cette installation mettent en scène un écran de projection sur lequel des ombres de végétaux sont projetées par la lumière, dont la danse discrète est observée par deux techniciens de l’image de cinéma – un cadreur et un preneur de son. Ce phénomène simple, et constant en forêt, montre l’absurdité de la temporalité du cinéma par rapport à celle de la forêt, qui a sa lumière et ses modes de projection intrinsèques. La forêt met en évidence la planéité de l’espace filmique et le confronte à une densité remarquable, celle de l’environnement qui se donne à la fois comme une forme de proto-cinéma et comme un cinéma à la seconde puissance. Cette analogie forêt / cinéma veut également souligner la multitude des points de vue qui s’offrent en forêt, où s’entrecroisent au-delà de toute limite une multitude d’écrans et de motifs projetés. La forêt nous permet d’imaginer un cinéma où l’on pourrait déambuler sans fin, l’attention constamment sollicitée par une succession de voiles entrelacés. La forêt réalise en acte, et de manière native, une installation protéiforme. La forêt, en ce sens, c’est le cinéma idéal. Le fait de placer, dans Against the Drought of Signs, l’opérateur image et le preneur de son devant un écran, lui-même fiché entre les arbres, est une manière de montrer et d’accepter les limites de l’outil cinématographique, mises en évidence par cet environnement qui va plus loin que ce que les techniques du film peuvent atteindre ou même viser.

Il n’est pas anodin, pour le sens de cette analogie, que l’apparition du cinéma au Chili coïncide historiquement avec l’invasion des forces chiliennes sur les territoires habités par les peuples mapuches. Le cinéma se développe de manière concomitante avec la destruction systématique des forêts, ce qui fait signe vers une conflictualité intrinsèque du médium filmique. Il faudrait sans doute creuser cette conjonction temporelle, mais le premier constat qu’elle permet d’établir, c’est finalement l’idée que le cinéma s’est déployé en occultant un espace de projections sensorielles plus riches et plus intenses que celles qu’il pouvait lui-même proposer.

Against the Drought of Signs est introduit par un texte lu en langue mapuche. Il s’agit d’un poème qui évoque le fait de se sentir comme un arbre. Le travail sur la forme poétique est rapidement apparu comme une manière assez juste de pouvoir évoquer conjointement la forêt et l’extrême violence à laquelle le territoire sur lequel elle se trouve a été exposé. Le temps passé par Étienne de France au Chili lui a permis de rencontrer de nombreux écrivains mapuches. Le poète Leonel Lienlaf évoque souvent la forêt dans ses textes. Étienne de France, qui voulait faire un pont avec sa poésie, lui propose de traduire en mapuche Le Combat des arbrisseaux, poème gallois du XIe siècle, attribué au grand barde Taliesin. Ce poème fait le récit d’une bataille où une multitude d’arbres différents, des arbrisseaux fragiles, s’opposent à l’ennemi. Le travail engagé avec Leonel Lienlaf a donné lieu à la première traduction de ce poème gallois en mapuche. On peut lire cette traduction dans une édition réalisée pour l’occasion, qui présente les versions anglaises et espagnoles du poème.

La traduction s’est faite par un travail de circulation entre les textes, les langues, mais aussi les géographies. Comment désigner en mapuche des espèces d’arbres qu’on ne trouve pas au Chili ? Il s’agissait d’opposer à la monoculture forestière et à l’attitude militaire qui la sous-tend une prolifération de formes et de récits, qui respecte les spécificités de chaque langue dans l’élaboration d’une polyphonie. Il est apparu dans ce dialogue avec Leonel Lienlaf que la forêt se donne comme un lieu et comme un être de réciprocité. En cela, il s’agissait de mettre en lumière les évidences portées par des habitants mapuches dans le vif de leur combat quotidien, de participer concrètement à cette bataille contre la monoculture transversale.

Cette méthode de la réciprocité est également très présente dans Looking for the Perfect Landscape, un projet mené avec des membres de la communauté mohave aux États-Unis, où il a fallu donner une place très forte à la relation d’écoute et de partage avec d’autres disciplines. L’idée était là aussi de travailler avec des communautés autochtones, et en particulier avec Jamahke, un artiste mohave et employé d’un musée local qui fait des repérages pour un film à venir.

En résonnance avec plusieurs autres travaux d’Étienne de France, l’enjeu de ce projet est de conduire une recherche personnelle sur l’image, finalement très homogène, que l’occident se fait du désert américain, et qui témoigne d’une forme de colonisation des imaginaires. La notion de paysage qui structure notre perception est assez pauvre comparée à celle qui nourrit les sensibilités des peuples autochtones, et notamment les communautés amérindiennes. Cette homogénéisation de la perception des paysages produit une invisibilisation des communautés, des reliefs, des récits attachés aux paysages. Looking for the Perfect Landscape cherche ainsi à déconstruire la vision, à la fois homogène et hégémonique, que nous avons du désert américain, ce qui supposait de travailler en étroite collaboration avec les communautés qui y sont installées. Comment déjouer cette représentation qui nous habite jusque dans la manière que nous avons de traverser ces terres, et comment faire qu’une telle déconstruction soit utile pour les interlocuteurs mohaves ? À quel partage peut donner lieu ce geste artistique de déconstruction ? C’est en échangeant avec David Harper, le représentant d’un THPO (Tribal Heritage Protection Office) qu’a émergé l’idée que ce film pouvait être un vecteur d’élaboration et de transmission d’archives liées à la culture mohave, dont la langue est en train de disparaitre. La constitution de cette archive devient ainsi assez urgente pour les communautés elles-mêmes, d’où la place que pouvait prendre la réalisation de ce film pour elles. Ainsi, avec Looking for the Perfect Landscape, il ne s’agissait pas seulement de dénoncer les sites extractifs, mais aussi de réfléchir à la transmission à court et moyen terme, en combinant la réalisation d’un objet artistique à l’élaboration d’un objet patrimonial, constitué avec et pour les communautés mohaves elles-mêmes. C’est ainsi que de nombreux entretiens ont été réalisés tout au long de la production du film, venant nourrir une archive documentaire à la fois visuelle et sonore, conservée par les peuples autochtones eux-mêmes. Ainsi, le principe de réciprocité qui guide le travail d’Étienne de France a donné lieu à quelque chose qui dépasse le film lui-même, et montre qu’il est en dialogue avec de nombreuses voix qui le traversent et le prolongent d’un écho discret.

Les films et installations d’Étienne de France mettent en tension intelligence du monde contemporain et sensorialité : il s’agit à la fois de montrer, de comprendre et de raconter. Les figures du scientifique et du conteur sont toutes deux des projections de celle de l’artiste, qui occupe une place où il est possible, nécessaire et urgent de raconter, d’expliciter des situations complexes et parfois inaccessibles à nos facultés de perception immédiates. La sensation s’enrichit ainsi d’un effort de l’imaginaire, lui-même articulé à des situations réelles. Ces trois figures du conteur, du scientifique et de l’artiste font signe vers trois types d’actes – sensoriels, visuels et artistiques – également requis dans une expérience riche de la forêt, où la connaissance des plantes est indissociable de la pratique, ce que montre bien l’usage médical auxquelles elles se prêtent. Il appartient à l’art en général, et peut-être au cinéma en particulier, d’éveiller et de coaguler ces trois types de sensibilités, ce que The Green Vessel produit dans son propre mouvement narratif, à mesure que ses personnages progressent dans la forêt. À travers cette déambulation finale, le film pose la question de savoir comment et selon quelle nécessité nous pouvons parler de la forêt ensemble. Cela implique de savoir où et comment se situent ceux qui parlent. Le fait de faire apparaitre ou de mettre en scène des outils et des techniques qui sont partie prenante de la fabrique du film participe de cet effort d’élucidation des espaces de parole impliqués, à un niveau ou à un autre, dans le devenir des espaces naturels.

Il convient pour finir de souligner la place que les films d’Étienne de France accordent à la durée et, à travers elle, à l’exercice de contemplation. La patience et le type d’attention que ce temps donné à voir nous permet d’épouser sont une manière de répondre à l’urgence des questions qui inquiètent cette œuvre en cours. Les problématiques liées à l’anthropocène demandent un espace critique et une initiative de la part du regard qui vient s’y confronter. La temporalité lente des films et la poésie que cette temporalité laisse fleurir sont une manière de rendre nos regards disponibles et de nous donner pleine possession de nos propres moyens pour aborder de si graves situations. Le temps de la contemplation est une manière de pénétrer dans cette zone critique d’une sensibilité alertée par des phénomènes qui la dépassent pourtant radicalement. Ce cinéma qui se fabrique de résidence en résidence, en esquissant les traits une réelle écologie de la production, se conjugue ainsi dans les termes d’une politique des formes, qui pour trouver ses accents justes requiert que le film et les regards qui s’y échangent répondent à cet appel, auquel nul ne peut se soustraire, d’habiter poétiquement le monde.
 


| Auteur : Rodolphe Olcèse

Publié le 02/04/2021