Hélène Iratchet / Roi et reine

La question du pouvoir est au cœur de la nouvelle création d’Hélène Iratchet qui conjugue cinéma et arts plastiques sur un plateau de danse pour un objet chorégraphique qui ne cache pas ses aspérités. 

Interprète auprès de Gisèle Vienne ou encore de Christian Rizzo, Hélène Iratchet passe par le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, avant de signer ses premières chorégraphies. Hommage d’une demi-dimanche à un Nicolas Poussin entier, créée en 2010, attire l’attention sur un véritable talent en train de s’affirmer.

Roi et reine installe sur le plateau de l’Atelier de Paris un univers diffracté et fantasque, chimérique pays des merveilles rehaussé d’une note de sombre désinvolture. De simples couvertures suspendues en hauteurs sur des cintres évoquent les tenues d’apparat des notables d’une cour dont le couple souverain foule avec majesté le tapis rouge pour recevoir les honneurs de l’audience. Une peluche bleu-vert acidulé traine par terre, contre-point discret mais insistant de ce faste de pacotille, clin d’œil vers le travail de Mike Kelley dont la veine subversive irrigue en profondeur cette pièce. La peluche va voler d’un coup de pied au moment où les apparences vont tomber. Les signes du pouvoir se retrouveront blottis dans un tas insignifiant de fripes. On pourra regretter que la chorégraphe n’aille pas plus loin dans l’exploration de l’informe qui menace de prendre le contrôle du plateau. Elle semble effectivement plus intéressée par les traits appuyés de ses roi et reine qui puisent leur matériau gestuel du côté du cinéma burlesque des origines. Leurs prestations sont ajustées en direct par les injonctions sèches d’une voix off qui ne mâche pas ses ordres. Hélène Iratchet met ainsi en scène les relations brutales entre un pouvoir omnipotent qui agit dans l’ombre, mais n’hésite pas à faire sentir son incontestable emprise, et ses représentants « officiels » relégués au rôle de simples pantins désarticulés, figures tragi-comiques d’un jeu de cartes dépareillé. La référence au monde du théâtre et de la danse est explicite dans des épisodes cocasses où l’on s’essaie à la fatigue ou à l’amour et la sensualité. La chorégraphe cherche à débusquer les espaces de liberté que les interprètes réussissent néanmoins à se ménager, les pas de côté et les interstices d’où surgit parfois toute la force d’une création.

Un travail du son passionnant fait glisser les questions de pouvoir à l’intérieur même du couple. Des dialogues cultes de films de Pialat ou Vecchiali viennent nourrir un univers sonore dramatiquement labouré par les riffs saturés de Denis Mariotte. Le rythme s’accélère, les temporalités et les références se bousculent. Les voix voix se multiplient, véhiculant des sentiments allant du réconfort à la colère. Des survivances inattendue augmentent le trouble que suscite cet objet chorégraphique qui ne se laisse pas facilement aprivoiser, mais choisit de se tenirr délibérément du côté de ce qui déborde.   



Publié le 27/01/2014