Jocelyn Cottencin / Echauffement général

A l'heure où le réchauffement climatique est devenu une certitude inquiétante et où le contexte social est profondément mouvementé, l'intitulée du projet curatorial accueilli par La chambre d'échos interpelle à plus d'un titre. Cette multiplicité de résonances a été cultivée volontairement par Jocelyn Cottencin qui avoue néanmoins être un peu rattrapé par l'actualité. Echauffement général est une exposition à activer performativement, une invitation aussi directe qu'enchevêtrée à mettre en mouvement le corps et l'imaginaire du visiteur, à penser en acte ce que c'est que faire groupe aujourd'hui.

Deux artistes - chercheur.e.s - étudiant.e.s du master exerce accueillent les participants à cet échauffement du midi. Dépliés et affichés tels des bannières, 19 textes font la ronde sur les murs de La chambre d'échos, à plusieurs niveaux de hauteur. Artiste visuel, graphiste, vidéaste et créateur de performances, Jocelyn Cottencin a fait appel à des danseurs et chorégraphes, collaborateurs proches, ainsi qu'à d'anciens élèves d'écoles de beaux arts et de danse, pour ces productions qui peuvent se lire aussi bien comme partitions, statements, modes d'emploi, ou encore de la poésie sonore. La typo minimaliste, très sculpturale, imaginée pour l'occasion, ainsi que la couleur orange fluo du papier reprennent les codes du débat et des revendications dans l'espace public. La véritable dimension politique du projet consiste dans le fait de se tenir au commencement des choses, à l'endroit des prémisses, de réunir dans une cartographie suivant des courants d'affinités électives, des modalités aussi bien pratiques que poétiques de l'engagement. Engager la perception, activer la mémoire aussi bien que l'oubli, l'écoute dans tout ce qu'elle peut avoir de synésthésique, s'engager dans son corps et dans l'environnement proche, avec les autres. S'engager dans des processus transformationnels à vocation résolument ouverte. Selon des procédés discursifs et registres langagiers assez disparates, chaque texte adresse un devenir.

Devenir animal ce midi là précisément, les artistes - chercheur.e.s - étudiant.e.s du master exerce ayant choisi l'Echauffement de jeunes loups de Rémy Héritier. Le groupe est hétéroclite : de par leur posture même, certaines personnes témoignent d'une pratique courante de la danse, alors que d'autres arrivent en amateurs. Tout ce petit monde se prend au jeu et La chambre d'échos devient un lieu de pratique. Grâce au phrasé aux arrêts aussi inattendus que rassurants de Daniel Lühmann, le texte acquiert une force incantatoire : inspire - expire. Nous voici jeunes pousses d'un buisson et les inhibitions liées aux codes de la proxémie s'estompent tout simplement. L'attention se tourne vers l'intérieur du corps et ses sensations. L'échauffement opère par capillarité, active et garde en éveil l'imaginaire, cultive un plaisir du jeu qui nous renvoie pour certains à l'enfance. Egrainées de manière ludique, des injonctions apparemment contradictoires court-circuitent les schémas corporels habituels. Pas besoin d'être familier de la finesse et du soin infini de l'écriture scénique de Rémy Héritier pour se laisser mettre en mouvement par sa proposition. L'échauffement conduit à un braquage en bonne et due forme et les participants s'en félicitent avec de grands sourires, avant de partager un repas dans l'atrium d'ICI.  

Outre ces rendez-vous réguliers pris en charge par les artistes - chercheur.e.s - étudiant.e.s du master exerce, La chambre d'échos devient potentiellement le lieu d'expériences individuelles du spectateur, du poulet rôti et fellation à l'échauffement du cœur, du même Yves Noël Genod, en passant par Chauffe Simone (Emmanuelle Huynh), le retour à l'arrêt (Madeleine Fournier) ou encore l'échauffement du centre et des méridiens (Eve Chariatte), la boucle est bouclée et joyeusement ouverte. Loin de revendiquer des concepts théoriques aujourd'hui dans l'air du temps, Jocelyn Cottencin témoigne avec modestie d'une recherche au long cours avec des outils ouverts visant à créer des brèches, des trouées, ouvrir des espaces dont on ne présuppose pas ce qui peut y arriver à partir d'un objet défini. Découvrir d'autres modalités, d'autres territoires, étendre les possibles.

Après La chambre d'échos, Echauffement général investira des espaces publics pour une nouvelle activation lors du festival Montpellier danse.



Publié le 28/02/2019