avant cette nuit : projection de Cette nuit, de Gildas Madelénat

avant cette nuit

 

Il y a eu des jours en ce tout début d’année, dans un atelier à Rosny-sous-Bois avec de jeunes étudiants. Ce n’était pas vraiment des collégiens, ou tout juste, c’était surtout des enfants encore. J’étais là pour leur parler de la nécessité de faire des images. Et j’étais là pour leur parler d’eux, et leur faire parler d’eux. Nous voulions ensemble réaliser un journal vidéo, intime et collectif, à partir d’images exclusivement tournées grâce à leur téléphone portable. Puis nous parlions des images du dehors, ou de celles qui sont partagées en famille, de celles que l’on capture pour soi, les amis, pour les autres. Nous échangions sur la nécessité de se créer des archives personnelles, de mettre en images son propre monde pour appréhender autrement son propre soi. On tournait sans notes, sans rien écrire au préalable. On tournait autant qu’on vivait. On avait des dispositifs de tournage, évidemment, mais on tournait contre le scénario. L’histoire, elle arriverait après, à rebours du reste. Si elle arrivait. L’éventuelle narration comme résultat. Le soi d’un jour qui serait compris par le soi d’un autre jour. Mais voilà, j’étais inquiet. J’étais inquiet parce que je les faisais travailler sous caution d’une théorie séduisante, sans pratique préalable, sans tentative de ma part. Je n’avais alors jamais fouillé dans mon cimetière d’image à moi, pour en créer des films et essayer de me raconter mes propres fictions, mes propres réalités. Ou les deux en même temps.

 

Alors j’ai continué à faire ce que je faisais, tourner des images avec mon téléphone quand cela semblait nécessaire. Au milieu des forêts la nuit. Au milieu des corps qui dansent. Au milieu des feux follets. Puis un soir, j’ai pris ces quelques vidéos, et j’ai essayé de reconstituer l’histoire. Et des images sont apparus des mots. « cette nuit » est la preuve de ce retour d’au-delà. C’est la volonté de partager une solitude. De parler d’une version de soi déjà disparue. De faire d’une histoire d’autres histoires. C’est la tentative de faire apparaître un souvenir dans la mémoire de quelqu’un d’autre. D’où cette nécessité de ne pas voir le film ensemble. D’être chacun chez soi, dans la même nuit. Ce n’est pas un film de salle, ce n’est même pas un film. Tout au plus des choses qui persisteraient sur la rétine. Un chuchotement sur vos yeux. Et ce qui se colle sur notre rétine est à nous, à personne d’autre. Le film disparaîtra des réseaux tout d’un coup la nuit passée. Il aura été à nous entre nous, comme une histoire de coin de feu, comme un baiser d’avant sommeil.

Une histoire sans histoire, jusqu’à ce que l’on me dise un jour : cela raconte la vie d’une fleur qui tombe amoureuse d’un feu.

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Cette nuit de Gildas Madelénat, une production Too Many Cowboys et Champ Libre, sera diffusé de manière éphémère et solitaire dans la nuit du dimanche 10 septembre au lundi 11 septembre, de 22h à 6h, sur le site suivant : https://cettenuit.wixsite.com/lefilm

En attendant, un événement a été crée sur Facebook pour partager des morceaux d'écrits du processus de création et autre : https://www.facebook.com/events/1735673413404722


| Auteur : Gildas Madelénat

Publié le 06/09/2017