Malika Djardi / Horion

La langue claque dans la bouche, les cuisses claquent contre la dalle de béton brut, les baguettes claquent sur les membranes de caisse claire. Mené avec espièglerie, frénétiquement, Horion multiplie les coups. Empruntant à tour de rôles aux codes des films de genre, à l’exotisme et à la déconstruction, différents imaginaires se heurtent allégrement dans la création de Malika Djardi.

Les deux batteries qui nous font face du fond du plateau définissent d’une certaine manière l’horizon percussif de cette pièce. La matière sonore est pourtant produite en hors champ, elle déferle telle une bande son de fiction vitaminée dans la salle gagnée par une obscurité épaisse : bruits métalliques, graviers, respirations lourdes, chairs qui entrent brutalement en contact. Le coup d’envoi est donné, la machine fantasmatique tourne à plein régime. Les métamorphoses incongrues des performers, soutenues par une physicalité sans faille, entretiennent ce rythme halluciné.

Au premier abord, les justaucorps transparents  confèrent à la carnation une nuance étrange qui n’est pas sans rappeler les représentations du couple initial Adam et Eve par les maitres de la peinture flamands. L’artifice colle au plus près de la peau. Des zombis enragés aux cocasses aliens aveuglés par un violent faisceau de lumière, en passant par des figures de musical, les deux comparses multiplient les coups d’éclat. Les genoux, le front, les poings, les paumes, les muscles des jambes sont autant d’éléments qui contribuent à saturer le paysage sonore. Les décharges énergétiques sont jouissives et redoutables. La relation a toujours quelque chose d’électrique. Cette danse agrémentée de faisceaux de baguettes convoque l’épaisseur des forêts amazoniennes avec leur grouillement d’êtres hybrides, qui transgressent les frontières des règnes, à la fois proies et prédateurs. Orchestrant un extravaguant jeu de consonances et de glissements sémantiques, Horion évoque également le magnifique et cruel chasseur de la mythologie grecque transformé par Zeus en constellation céleste. Après avoir fait vibrer les corps, le son s’amasse au centre de l’espace dans une structure métallique aux angles improbable. Un dernier coup de théâtre achève cette délirante odyssée. 

 

Pièce jouée à la Ménagerie de verre, du 30 mars au 1er avril, dans le cadre du festival Etrange Cargo


Crédits photos : Aude Arago, Loïc Benoit
| Lieu(x) & Co : Ménagerie de Verre

Publié le 05/04/2017