Camping au CND

La présence de Mathilde Monnier commence à se faire remarquer entre les murs du CND. L’institution s’anime dans un mouvement d’ouverture ébouriffant et accueille l’été sous les auspices de Camping, plateforme chorégraphique internationale dédiée à l’échange des savoirs et des pratiques et à la mise en partage des expériences créatives. Les étudiants de neuf écoles de danse et plus largement d’écoles d’art, de Londres à Séoul, en passant par Cergy, Montpellier (EXERCE) ou Bruxelles (P.A.R.T.S.) se rencontrent à Pantin. Les journées sont bien remplies : cours le matin, workshops l’après-midi, ateliers amateurs en début de soirée et performances après 20h. Tout au long des deux semaines de Camping, le rythme est soutenu et l’enthousiasme est de mise, car c’est une première en France que de réunir autant de personnalités de la scène chorégraphique internationale pour une riche proposition de workshops.

I’ve fucked plenty with the future (recherches somatiques/ explorations/ science-fiction), Jeremy Wade featuring Patti Smith et autres invitations

Les esthétiques sont diverses et nuancées. Les artistes invitent au partage de leurs manières de faire ou testent des matières et des protocoles pour leurs prochaines créations. Les studios de danse et parfois les espaces extérieurs offrent de généreuses plages temporelles d’expérimentation et de travail autour des thématiques des plus passionnantes. Ainsi cette recherche sur l’histoire de la performance et du cinéma expérimental à travers les œuvres de femmes artistes et cinéastes, proposée par Eszter Salamon. Ainsi « Danser c’est voir, voir ensemble », belle prémisse lancée par Loïc Touzé. Ainsi encore Les « Queer Choreographies » : peu importe ce que cela veut dire, avec Miguel Gutierrez, La Réalité virtuelle, avec Michel Reilhac et Mathilde Monnier, La composition en temps réel – A given space of time, avec Mark Tompkins ou L’étude du mouvement animal, avec Simone Forti.

 

Dance Constructions

L’effervescence bat son plein en ce début de deuxième semaine de Camping et la soirée dédiée à Simone Forti, figure de proue de la Postmodern dance new-yorkaise, à l’énergie intarissable, synthétise à merveille l’esprit qui anime le CND. Tester les acquis, expérimenter d’autres possibles dans l’espace, partager du temps, jouer avec les éléments donnés et les détourner méthodiquement, avec une certaine joie communicative, les Dance Constructions, dans l’interprétation des étudiants campeurs, rejoignent subtilement, de manière extrêmement juste, les dynamiques de CampingConstruct your own expérience, nous intime Simone Forti avant d’ajouter Take your time. Près d’une dizaine de pièces courtes de cette série des années 60 se déploient à tous les niveaux du bâtiment, du parvis à la terrasse, en passant par les différents studios.

La danse comme escalade téméraire, puissance de construction à travers des bras qui se nouent autour d’autres bras sur des épaules ou encore tissage subtil d’une trame spatiale complexe dans Huddle et Slant Boards.

La gravité toujours présente, déplacée par rapport à la verticale ou traitée en tant que motif et conjuguée à la suspension, l’amplitude ou encore l’inertie dans Hangers.

Les circulations multiples – courants d’air, mouvements apparemment entropiques, frôlements, élans et impulsions qui mettent en tension des rapports distendus ou forment des nœuds organiques et mobilisent à la fois l’écoute, la capacité d’anticiper et le plaisir, dans Scrumble.

La danse comme pure potentialité, enfouie sous des monolithes sibyllins, qui filtre en tant que ritournelle obsessive, écho à la fois proche et lointain contaminant la mémoire des spectateurs subrepticement amenés à la porter plus loin dans leurs sifflements distraits à travers l’ensemble des espaces, pour Plateforms.

La danse enfin comme éclat de cris ludiques quand des forces se composent dans des accélérations dignes des autos tamponneuses, dans Rollers. Simone Forti offre à ses étudiants et au public autant d’expériences extrêmement simples et d’une richesse inouïe.

 

No Camping without its Room Service – la fête sur le canal au Théâtre au fil de l’eau, à 5’ du CND

Après deux semaines intensives et studieuses de Camping, les énergies explosent. Plus qu’une pièce de danse, Room Service est davantage une invitation au lâcher prise et à la fête : haut en couleurs, joyeux, épicé. Sa fièvre excentrique gagne durablement l’assistance. Et il faut avouer que les meneurs sont excellents : Mark Tompkins, Miguel Gutierrez, Vera Mantero, Jeremy Wade. L’idée de les réunir avait d’entrée de jeu quelque chose de follement séduisant.

La chaleur fait fondre rapidement les distances entre le public et les performeurs. L’heure est au partage. Vera Mantero prodige des conseils pour survivre à la canicule, Jeremy Wade fait monter des rythmes entêtants, Miguel Gutierrez entame une généreuse et rafraîchissante danse un ventilateur tourné vers les spectateurs. Cette circulation bienfaisante est portée dans un autre registre et amplifiée par Mark Tompkins qui agite, par des gestes larges, une guirlande bleu fluo qui électrise l’atmosphère. My Way résonne dans un duo en pointillé au dessus des gradins et c’est dans cet esprit, porté par des personnalités fortes et exubérantes, que l’audience déborde sur les berges du canal, pour une belle soirée d’un nouveau type de guinguette particulièrement jouissif. Rendez-vous est pris pour l’année prochaine !

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Camping, CND, du 22 juin au 3 juillet 2015


| Lieu(x) & Co : Centre National de la Danse

Publié le 07/07/2015