Tschägg - Entretien avec Lucie Eidenbenz & Luce Goutelle

Création évènement de cette première édition d’Oh ! Festival, Tschägg, signée par Lucie Eidenbenz, Luce Goutelle et Cosima Grand se situe sur les territoires mouvants où la tradition irrigue le monde contemporain. Engouement, peurs intimes et fantasmes collectifs sont orchestrés avec finesse sur le plateau.

Comment atteindre l'étranger intérieur ?

Jusqu'où pousser la danse d'ensauvagement ?

A quelques jours de la première, Lucie Eidenbenz, danseuse et chorégraphe, initiatrice du projet, et Luce Goutelle, artiste et performer, reviennent sur une expérience d’une grande richesse.

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Derrière les masques : tradition vernaculaire et création contemporaine. Etrangers à eux même

ABLC : Pour cette nouvelle création, vous partez d’une tradition des masques encore très active au Lötschental (1). Qu’est ce qui est venu alimenter le désir de travailler sur les Tschäggättä (2) ? Qu’est ce qui se joue pour vous entre cette tradition et la création contemporaine ?

Lucie Eidenbenz : J’avais envie de travailler depuis longtemps autour des masques, de l’idée de carnaval – on se déguise, on peut devenir autre, ce qui peut entrainer une expérience très forte. J’ai découvert les Tschäggättä à travers des photos de Luce. C’était de l’ordre de l’intuition. Je voulais m’emparer d’une tradition qui parle au monde dans lequel on vit et aux besoins actuels. Il y avait également autre chose, plus proche de moi, un côté presque performance contemporaine, complètement déjantée. Le simple fait de se déguiser est très présent dans les arts de la scène, l’accoutrement peut transformer le corps. Derrière les masques, on retrouve ce quelque chose d’inattendu – sous le costume il se passe des choses et on ne sait pas trop quoi. Cette espèce de double du costume et de la personne qui le porte peut faire peur. J’y retrouve des éléments de la performance contemporaine. Tout est permis, cela engage une prise de risque de la part du spectateur qui ne sait pas très bien ce qui va arriver. Le mélange entre cette espèce de danger et l’idée de jeu m’intéresse beaucoup.

Luce Goutelle : Il y a maintenant deux ans, je suis allée voir ce carnaval en Suisse, au Lötschental, dans le cadre d’un voyage d’études pour un autre projet. Ce qui m’intéressait, c’était de sortir de l’exotisme et des clichés qu’il génère, pour découvrir une tradition de cet ordre au cœur de l’Europe. J’avais envie d’interroger ce paradoxe, cette image contradictoire de la Suisse, entre quelque chose de très lisse, très propre et cette tradition. Ce qui était en jeu, c’était également cette idée de sauvage de l’intérieur. C’est quelque chose qu’on retrouve dans le carnaval même : les gens se déguisent, deviennent autres. C’est passionnant de constater comment dans cette région qui peut être très conservatrice, notamment par rapport aux étrangers, les gens ont besoin de devenir, dans un moment certes circonscrit à la période du carnaval, étrangers à eux mêmes.

 

Une recherche de terrain semée d’embuches. Il y avait une espèce de danse pour se comprendre.

ABLC : Comment est ce que le travail s’est engagé ? Cette création s’est nourrie d’une vaste recherche menée en amont.

Lucie Eidenbenz : Nous avons commencé directement sur le terrain, nous nous sommes rencontrées toutes les trois, avec Cosima Grand, une première fois au Lötschental.

Luce Goutelle : Nous avons décidé d’y aller au moins une semaine par mois. Le rythme s’est intensifié depuis novembre.

Lucie Eidenbenz : Nous avons commencé à rencontrer les gens impliqués dans cette tradition. Nous avons eu un premier rendez-vous assez spectaculaire, au cours duquel on a présenté le projet. En face de nous, il y avait des personnes de 18 ans, on ne s’y attendait pas du tout. On s’est très vite rendu compte que cela n’allait pas être aussi simple qu’on aurait pu le penser.

Luce Goutelle : Dès le premier contact, nous avons senti qu’il y avait plein de codes, plein de choses qui nous échappaient. Ce n’était pas du tout évident et cela posait plein de questions. Nous nous sommes en effet retrouvées dans la position d’étrangères qui mettent les pieds dans le plat. Le Tschäggättä est assez politique pour certaines personnes de la vallée. Nous avons rencontré divers niveaux d’engagement dans la tradition : il y a des gens très impliqués qui disent se sentir mal s’ils manquent une année du carnaval. Il s’agit pour eux du moment où ils peuvent décompresser, trouver une liberté qu’ils n’ont pas le reste de l’année, et effectivement on sent une société très contrôlée socialement, où l’église catholique est très présente. Le carnaval a d’ailleurs été interdit dans les années 80, considéré comme étant trop violent par l’église, mais la population s’est mobilisée et cette interdiction a été levée. Il est très ancré dans la tradition locale, dans les tripes des gens. Il y a des personnes qui s’y engagent vraiment, commencent à sculpter et fabriquer leur propres costumes des mois à l’avance, ce qui rythme leur année : ils passent tout l’hiver à faire des préparations et en février, ils revêtent les masques. Certes, d’autres personnes le font de façon beaucoup plus légère, même si ce n’est jamais anecdotique.

ABLC : Dans quels termes s’articulait votre projet tout au début, au moment de votre arrivée au Lötschental ?

Lucie Eidenbenz : Nous ne sommes pas arrivées sur place avec une pièce déjà écrite – c’était la chose qu’on voulait à tout prix éviter ! Au départ, il y avait le désir d’engager un dialogue avec les gens impliqués dans le Tschäggättä. Nous étions dans l’attente d’un échange qui allait nourrir la création. Cette invitation à l’échange n’a pas du tout été comprise au tout début. Les gens étaient circonspects. Nous nous sommes aussi rendues compte de la force de cette tradition. Nous avons découvert qu’elle était encore entourée de nombreux d’interdits. Il s’agissait d’une sorte d’initiation sur place. Toutes les portes se fermaient d’un coup ! C’était juste la première étape. Après, nous sommes allées plus loin. Il y avait une espèce de danse pour se comprendre.

Luce Goutelle : L’idée de départ était d’impliquer ces gens dans le projet, d’aboutir à une rencontre entre eux et nous autour de leur tradition et de notre pratique. Il s’agissait d’une volonté d’inscrire cette tradition dans le monde contemporain, d’aborder également le rapport à l’étranger – des axes qui reviennent aujourd’hui dans la pièce de manière différente. La principale difficulté que nous avons rencontrée, en cherchant à convaincre ces personnes de participer à la pièce, a été une impossibilité pour eux de se projeter dans le processus de recherche et de dialogue que nous voulions leur proposer. Nous ne voulions surtout pas les prendre pour des marionnettes. Cela nous a fait pas mal réfléchir sur le fait qu’il y a peu d’endroits maintenant dans la société où on avance sur un projet sans savoir exactement où on va. En tant qu’artistes, nous savons que si nous nous contentons de suivre un plan prévu à l’avance, généralement le résultat est décevant, parce qu’il n’y a pas de progression et de transformation possible de l’idée de départ. Et la société actuelle, la plupart du temps et dans d’autres domaines, a tendance à être réglée de cette manière. L’idée que nous puissions arriver avec un autre mode de penser a perturbé les personnes que nous rencontrions, les a amené à se poser des questions. Nous avons eu beaucoup de discussions par rapport à cette problématique. Notre manière de travailler, de concevoir le projet et d’avancer dans la recherche leur était complètement étrange. Je pense que si nous avions passé plus de temps sur place, la situation de confiance aurait été plus stable et on aurait pu trouver ensemble une manière de les impliquer davantage dans le projet.

Lucie Eidenbenz : Le fait d’avoir traversé tout ce parcours, avec ces portes fermées, nous a permis de très bien comprendre le contexte. S’ils avaient tout de suite accepté, cela aurait été sans doute beaucoup moins intéressant…

Luce Goutelle : De part notre présence, les discussions et interviews que nous avons menées, de par ces questions qu’ils n’ont pas du tout l’habitude d’entendre, une rencontre intéressante s’est produite. Nos manières de penser étaient très éloignées des leurs, il était toujours difficile de comprendre comment on devait interpréter les choses mutuellement, mais du coup il y avait une richesse de l’échange par le simple fait d’être confronté à quelqu’un qui n’a pas les mêmes idées. De ce point de vue, il s’est déjà passé beaucoup de choses dans la vallée, des expériences assez fortes, même si elles restent la partie invisible de la création. Je pense notamment à ce jeune qui a été vraiment interpellé par notre manière de travailler, ce qui lui a ouvert d’autres horizons. Ce projet nous offrait un cadre qui permettait des échanges qui n’auraient pas pu avoir lieu autrement.

 

Beyoncé et Tschäggättä. Se mettre à l’épreuve de l’autre

ABLC : Vous avez donc persisté dans cette approche.

Lucie Eidenbenz : À un moment donné, il y a eu un déclic. Nous avons rencontré, par le bouche à oreille, des adolescentes qui faisaient par ailleurs de la danse et qui étaient très motivées. Nous avons fait un workshop ensemble. Assez vite, elles nous ont renvoyé le fait qu’il n’y avait pas assez de danse dans notre projet. Il fallait jouer autour de ce défi. Nous avons Il fallait jouer autour de ce défi. Nous avons accepté, car c’était assez impressionnant de les voir danser du hip-hop et puis faire le Tschäggättä. Qu’est ce que cela veut dire, cette génération qui pratique des traditions tout en étant fascinée par Beyoncé ? La pièce s’est tramée autour de ce rapport.

ABLC : Vous trois, qui signez le projet, montez aussi sur scène. Comment ce choix artistique s’est-il imposé ?

Lucie Eidenbenz: Au début, nous ne voulions pas être nous mêmes sur scène, nous voulions laisser la place aux gens, mais, au fur et à mesure de l’avancement du projet, nous nous sommes rendues compte que tout se ramenait tellement à nous et à notre rapport à ce que nous cherchions que finalement, être sur scène avait du sens. Nous étions porteuses de cette expérience là et nous pourrions la traduire. Cela s’est fait de manière assez organique. Cette expérience nous avait également transformées. Peut être étions nous parties avec l’intention de montrer quelque chose d’extérieur à nous et finalement c’était plus intéressant de montrer comment cette recherche a changé quelque chose en nous, comment nous avons traversé ce processus, comment nous trois, nous partageons cette expérience avec les deux adolescentes aussi.

Luce Goutelle : Il s’agissait d’une certaine manière de contrecarrer cette dualité entre Tania et Romaine, qui n’ont pas le statut de danseuses, et Cosima et Lucie, qui ont déjà un parcours affirmé dans la danse. Je me retrouvais quelque part entre les deux, je me sens plus proche de la manière de fonctionner de Cosima et Lucie, mais en même temps je n’ai pas leur habitude de la scène, j’ai la même fragilité que les deux adolescentes. Cela me permettait aussi de me mettre à l’épreuve : dès lors que nous demandions à ces deux filles de monter sur scène, je devais être capable de le faire également.

ABLC : Plus concrètement, comment se trame Tschägg sur scène ? Par quelles voies les matières de ces mois de recherche s’intègrent-elles dans la création finale ?

Lucie Eidenbenz: Nous avons pris comme axe cette relation entre notre pratique artistique de la danse et la pratique du Tschäggättä : quels sont les points communs, où se situe le dialogue, la rencontre ? Tania et Romane pratiquent aussi bien la danse que le Tschäggättä, il y a une sorte de frottement. Il s’agit quelque part d’une pratique de transe, de dépassement d’un quotidien, d’une échappatoire. Il y a aussi les thématiques du local et de l’universel, de la porosité des frontières à cet endroit. Cela touche à la question de l’identité, même si je ne suis pas du Valais. On essaie de traduire tous ces aspects sur scène. On a repris cette étape de présentation de soi que nous avions proposé d’emblée aux filles, pour établir une égalité dans la pièce : il n’y a pas l’autre et nous. L’idée était de remettre l’accent sur cette notion d’origine, de l’endroit d’où l’on parle. Chacun avec son histoire trace un point de vue sur les choses. Nous avons aussi retravaillé des interviews que nous avons faites avec diverses personnes. Qu’est-il resté de tous ces moments d’écoute ? Comment nous les sommes nous appropriés ? Il s’agit d’une séquence qui pourrait s’apparenter à l’écriture automatique de bribes de choses qui nous ont traversées. On s’approprie une parole qui n’est pas la notre, une parole sur ce que nous faisons. Nous travaillons aussi avec le costume Tschäggättä, sans pour autant faire les choses selon les prescriptions véhiculées par la tradition. Il s’agit simplement d’un terrain de jeu. On s’affranchit de toutes les règles, on fait comme si on ne savait pas tout ce qu’on nous a expliqué, c’est quelque chose d’assez atmosphérique, qui crée des images de monstres, qui ne sont pas les Tschäggättä mais plutôt nos interprétations de ces éléments de costume. Il s’agit de jouer avec ce désir d’approcher les Tschäggättä, de se libérer de cet interdit qui nous défendait en tant qu’étrangères de jouer avec les costumes. Il y a le coté jouissif d’avoir percé un peu le mystère, de pouvoir se l’approprier différemment, de toucher à quelque chose d’un peu sacré. On nous a tellement parlé de ses pouvoirs et des interdits qu’une sorte d’aura a fini par s’imposer à nous. Pour les pratiquants du Tschäggättä, le côté sacré renvoie à un sens – un certain moment de l’année, dans un certain contexte, ça implique une transformation de soi. Quand on met ce costume, on devient quelque chose d’autre, on est peut-être plus libre sous le costume. C’est comme s’il avait un pouvoir sur le corps.

 

Réinjecter de l’étranger. Agents perturbateurs

ABLC : Qu’en est-il du rapport à l’autre à travers cette pièce ?

Luce Goutelle : Peu importe le degré d’étrangeté, c’est toujours assez dur d’aller vers l’autre. Régulièrement se confronter à d’autres est comme un sport ou une gymnastique essentielle. En réaction à la globalisation et à la société de consommation de masse, les communautés ont tendance à se renforcer, voire même à se renfermer. Par exemple, ce carnaval dans le Lötschental a repris de la vigueur dans les années 90, après une certaine période où il avait été délaissé. Ce sont surtout les jeunes de 20 ans qui s’y impliquent, de manière plus radicale que leurs parents. J’ai l’impression qu’il y a une urgence de ne pas oublier de créer des ponts entre ces communautés. C’est très important d’aller y réinjecter de l’étranger. Et c’est exactement ce que nous avons fait d’une certaine manière, pendant toute cette période de recherche dédiée au projet. Etre présentes dans la vallée, ne rien avoir avec les habitants et poser des questions assez étranges pour eux, c’était un acte politique fort, mais indirect, caché, invisible, qui ne sera pas nécessairement valorisé au moment de la création comprise comme travail fini. Il y va d’une manière de perturber le regard. Pour moi, cet aspect du projet est très important et en même temps très difficile à réaliser. Quand on est agent perturbateur, il faut être prêt à subir aussi les influences des autres sur soi-même. Ce sont aussi les autres qui nous remettent en question. Nous nous sommes engagées autant qu’eux et nous ne nous pouvons pas en sortir indemnes. Ils nous perturbent autant que nous les perturbons.

Aller vers l’autre — j’étais encore aux Beaux Arts quand j’ai commencé à m’intéresser à cette direction de travail : se pencher sur des choses très éloignés de mes centres d’intérêt, aller à contre-courant de la tentation facile en un sens de s’intéresser à des sujets séduisants, pour se confronter plutôt à des choses qui grattent, rugueuses, pas évidentes pour soi. Je me suis penchée sur les courses de lévriers. Il s’agissait d’un milieu bien particulier, régit par plein de codes. Au vernissage, j’ai réussi à faire se rencontrer des gens du monde de l’art contemporain et des gens du milieu des courses de lévriers. J’ai fait se croiser des personnes qui par ailleurs ne se seraient peut être jamais rencontrées. Ce qui m’intéresse, c’est de créer des lieux de frottement, de confrontation avec des mondes qui ne se rencontrent pas facilement. Cette idée m’a guidée dans plusieurs de mes projets.

J’ai aussi étudié les structures des nouveaux médias et de l’internet et j’ai pris conscience du jeu des algorithmes qui orientent les recherches sur internet par rapport à d’autres recherches antérieure. Tout est fait pour réduire les chances que l’on tombe sur quelque chose qui est éloignée de soi. C’est assez effrayant, car l’ouverture d’esprit vient avec la confrontation, même si nous pouvons éprouver avec une certaine violence ce qui nous est étranger.

ABLC : Qu’en est il, dans cette manière de travailler qui est la votre, du rapport entre la recherche anthropologique et la recherche artistique ?

Luce Goutelle: Je ne me dirais pas du tout anthropologue ou ethnologue, je ne prétends à aucune rigueur scientifique. Je ne suis pas à la recherche de la vérité. Je fonctionne surtout à l’intuition. L’approche du terrain et l’immersion sont par contre des éléments que je pourrais revendiquer de ces disciplines. Ce qui m’intéresse, c’est de m’impliquer vraiment d’une manière ou d’une autre, de créer des relations avec les gens. Je me sens plus confortable en tant qu’artiste qui vient avec un projet qu’en tant qu’anthropologue qui viendrait poser des questions, juste observer ces gens. J’ai envie d’être avec eux, d’être dans une relation de partage, d’être impliquée dans l’action. J’ai déjà pu vérifier ces aspects de manière directe dans deux projets antérieurs : celui qui j’ai mené dans un hôtel à Bruxelles et celui que j’ai mené en tant que « double agent » sur un yacht de luxe. J’ai été assez marquée par un texte de Jeanne Favret Saada qui s’appelle « Etre affecté », j’y ai compris cette position fragile qui consiste à être impliqué, mais sans être chez soi, garder un minimum de distance, surtout quand on touche à des choses qui ont une forte intensité.

ABLC : Parlons de ce devenir autre que la performance artistique pourrait avoir en commun avec cette tradition. Comment avez-vous travaillé la danse, Lucie ? Comment vous positionnez vous dans le champ chorégraphique ? Qu’est ce que vous recherchez dans ce domaine ?

 

Le point de rencontre. Ce que la danse bouge

Lucie Eidenbenz : Se mettre dans un état particulier, entrer dans une sorte de transe – j’ai l’impression que c’est un point de rencontre, un endroit que nous pouvons aussi atteindre en tant que performeurs. Les pratiquants du Tschäggättä le vivent dans le cadre de leur tradition, nous, dans le champ de l’art. Il nous arrive d’emprunter des processus similaires – on se transforme, on fait un écart par rapport au quotidien, on peut atteindre certains états modifiés de conscience, on expérimente cela sur scène. Dans la pièce, Cosima Grand fait une danse que nous avons appelée d’ensauvagement. Nous avons travaillée une pratique de danse sauvage, sans règles, afin de trouver ce qui nous bouge. Nous avons retourné vers nous mêmes la question du pourquoi - faire, le Tschäggättä, la danse ? Du coup, nous nous sommes lancées dans une danse assez libre où chacune essayait de se connecter avec quelque chose de profond en soi, un désir assez brut, une nécessité de faire et de laisser quelque chose passer.

D’ailleurs, la danse a toujours été pour moi quelque chose d’assez intuitif. J’ai fait la formation ex.e.r.c.e. à Montpellier. Ma recherche tourne autour de la question de savoir ce que la danse bouge. Qu’est ce que la danse crée comme mouvement à l’extérieur, dans l’imaginaire, mais aussi très physiquement ? Le corps et l’imaginaire ne sont jamais séparables. Quand on se met en mouvement, il y a quelque chose qui change dans la pensée et dans la façon de percevoir le monde. Le mouvement a beaucoup de pouvoir, il peut générer des choses assez fortes, ouvrir de possibles, créer des déplacements d’identités, de repères sociales ou culturelles.

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(1) Il s’agit d’une vallée qui a été longtemps enfermée sur elle même, du point de vue géographique, isolée, en dehors de circuits commerciaux, avec un dialecte particulier. 

(2) Tradition encore très présente dans les villages de Lötschental. Durant la période du Carnaval, des personnages affublés des masques en bois et des peaux d’animaux déambulent dans les rues et s’en prennent aux passants.

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Tschägg de Lucie Eidenbenz, Luce Goutelle et Cosima Grand
Oh ! Festival, Valais, Suisse
21 – 23 janvier 2015 Atelier-Théâtre du Raccot – Malévoz, Monthey
24 – 25 janvier 2015 Zeughaus Kultur, Brig



 



Publié le 19/01/2015