L'art et les formes de la nature est un séminaire ouvert organisé au Collège des Bernardins, qui invite une fois par mois un cinéaste ou plasticien à présenter un aspect de sa pratique qui interroge particulièrement les relations entre art et nature.
Il est coordonné par Rodolphe Olcèse, Vincent Deville et Jérôme Alexandre.
La séance d'ouverture de ce séminaire aura lieu autour du travail de Marylène Negro, dans lequel les motifs naturels sont particulièrement prégnants.
LA NATURE ENVISAGÉE
En 2019, Marylène Negro réalise 3 visages en somme, à partir de trois collections de films de famille archivés à la Cinémathèque de Saint-Étienne. 3 visages en somme cherche à révéler l’essence des relations familiales. Le film donne visage aux trois familles concernées, aux souvenirs, aux écarts et aux ressemblances entre les générations. Paysages, fleurs et animaux se donnent comme les corrélats de visages humains, définitivement noués les uns aux autres dans une commune apparition.
DE NATURE EN UCHRONIE
Les films de Pierre Villemin accordent une attention particulière aux environnements naturels – et notamment les forêts – où s’inscrit et se dévoile une présence humaine aux prises avec une histoire sédimentée dans d’épaisses strates de souvenirs et un avenir qui ne semble plus s’ouvrir à nous que sous les signes de l’incertitude. Reflets, vestiges, ombres et silhouettes offrent leur matière à des expériences perceptives et des formes de récits qui trouvent dans l’uchronie un moyen privilégié pour dire toute l’étrangeté de notre présence au monde.
En deux films, Narmada (2012) et De cendres et de braises (2018), Manon Ott et Grégory Cohen documentent des processus d’exploitation et de domination de la nature, ainsi que des classes subalternes, qui coïncident avec un mouvement de destitution des populations à décider de l’usage de leur environnement et du devenir de leurs conditions de vie.
En Seine-Saint-Denis, des années durant, des familles roumaines cherchent des lieux où vivre. Devenus compagnons de route lors de luttes contre les expulsions, nous fabriquons ce film ensemble, comme autant de maisons ouvertes. Cheminant de villages quittés en bidonvilles, squats et cités, l’intimité de leurs récits se confronte à une banlieue en constante mutation. Des grands ensembles jusqu’au Grand Paris, leurs trajectoires retissent une histoire commune, celle de solidarités habitantes refusant la relégation.
Fiction ancrée dans une géographie et un futur indéterminés, The Green Vessel (2019) décrit le voyage et le récit d’un vieil homme sur un fleuve. À la manière d’un conteur, il partage avec nous l’histoire d’un scientifique qui découvre la contamination d’une rivière et tente d’en comprendre les causes. Avec l’installation Against The Drought of Signs, présentée au Chili en 2019 et s’interrogeant sur de possibles représentations contemporaines des forêts dans des contextes fortement marqués par l’extractivisme colonial, The Green Vessel sera le point de départ pour une discussion autour des liens entre récits et oxygène, paysages et extractivisme, cinéma et animisme.
Paysages contre nature
« J’aime les mers, les océans, j’ai besoin de sentir l’eau, le vent, les fleurs, les arbres, la terre, la roche, je cherche à faire corps avec les montagnes, les plaines, les forêts. Je suis en quête de quelque chose de magique que je ne connais pas et que je ne comprends pas. »
Animation et expérimentation
L’animation introduit de facto un décalage avec le réel et s’écarte du réalisme imposé par le naturel d’une perspective représentative qui était au cœur de l’invention des Frères Lumière. Les avancées techniques de l’outil cinématographique s’accompagnent ainsi d’une exploration toujours renouvelée des possibilités d’expérimentation qui s’ouvrent alors avec elles, et l’animation, à ses côtés, découvre parfois par elle-même d’autres façons de faire bouger les images. L’animation a certes parfois écarté cette dimension exploratoire de la pratique filmique au profit d’une standardisation de ses modes de figuration, ce qui a conduit le grand public à la considérer, comme la bande dessinée, comme une forme d’expression pour enfants. Néanmoins, l’animation, par les possibilités graphiques qu’elle met en œuvre, n’a jamais cessé, plus souterrainement, de se livrer à l’expérimentation.