Tell me the story of all these things. Beginning wherever you wish, tell even us.
Exposition
Villa Vassilieff du 14/01/2017 au 18/03/2017

Avec : Katinka Bock, Vittorio Cavallini, León Ferrari, Theresa Hak Kyung Cha, Sojung Jun, Rose Lowder, Huda Lutfi, Ernesto Oroza, Somnath Mukherjee, Remzi Rasa et Vuth Lyno.

Tell me the story of all these things. Beginning wherever you wish, tell even us. constitue l’exposition inaugurale du pro­gramme Autohistorias déployé sur l’année 2017 sur nos deux sites d’acti­vi­tés : le centre d’art et de recher­che Bétonsalon et la Villa Vassilieff. Autohistorias se propose d’ima­gi­ner une his­toire par­ta­gée, une his­toire qui ne soit pas impo­sée mais élaborée col­lec­tivement d’après une mul­ti­pli­cité de par­ti­cu­la­ri­tés et d’iti­né­rai­res sinueux dans un monde frag­menté.

Tell me the story of all these things. Beginning whe­re­ver you wish, tell even us. emprunte son  titre à Dictée, roman auto­bio­gra­phi­que expé­ri­men­tal écrit par Theresa Hak Kyung Cha en 1982. Dans ce texte, l’artiste coréenne évoque son expé­rience de l’exil – en dif­fé­ren­tes lan­gues et en com­bi­nant texte et images dans une variété de regis­tres nar­ra­tifs, au tra­vers des his­toi­res de plu­sieurs femmes asso­ciées aux neufs muses de la mytho­lo­gie grec­que. Ce dense enche­vê­tre­ment de récits indi­vi­duels de cir­cu­la­tions et de migra­tions est le projet même de l’expo­si­tion Tell me the story of all these things. Autour de Sojung Jun, Pernod Ricard fellow en rési­dence à la Villa Vassilieff pour qui Dictée repré­sente une impor­tante source d’ins­pi­ra­tion, l’expo­si­tion aborde l’expé­rience du dépla­ce­ment et des sen­ti­ments qui y sont asso­ciés tels que la per­cep­tion du seuil entre l’inté­rieur et l’exté­rieur, la cons­cience d’une iden­tité mou­vante et mul­ti­ple ou encore les affects nés de l’éloignement ou de l’inten­sité de la proxi­mité.

C’est sous la forme d’un aparté que débute au rez-de-chaus­sée le par­cours de l’expo­si­tion : un ensem­ble de vidéos de Sojung Jun, qui des­sine des micro-récits de per­son­na­li­tés mar­gi­na­les et de tra­di­tions loca­les mena­cées, est pré­senté en regard d’une sélec­tion de films de la cinéaste expé­ri­men­tale Rose Lowder, qui alter­nent entre expé­ri­men­ta­tions sur la pel­li­cule même du film, jeux gra­phi­ques de formes colo­rées et obser­va­tion du temps qui passe dans une appro­che légè­re­ment plus docu­men­taire.

Rose Lowder et Sojung Jun emploient, l’une comme l’autre, des éléments tex­tuels dans la com­po­si­tion de leurs images en mou­ve­ment, allant de la simple lettre uti­li­sée comme élément gra­phi­que à la cita­tion lit­té­raire. L’expo­si­tion pro­longe et pro­page ce tra­vail de tis­sage inter­tex­tuel au pre­mier étage de la Villa, par l’entre­mise notam­ment de la sin­gu­lière œuvre-biblio­thè­que de Bétonsalon. En 2009, Katinka Bock avait dis­sé­miné aux abords du centre d’art cent bri­ques en terre cuite mou­lées à la main, que les visi­teurs pou­vaient empor­ter en échange d’un livre offert à Bétonsalon, à choi­sir parmi ceux de Section 7 Books de cas­tillo/cor­ra­les, librai­rie pari­sienne spé­cia­li­sée dans l’édition d’art indé­pen­dante. Une brique retrou­vée dans les réser­ves du centre d’art témoi­gne ici de ce pro­ces­sus col­la­bo­ra­tif de cir­cu­la­tion des savoirs. La biblio­thè­que s’est quant à elle étoffée depuis 2009, entre autres des ouvra­ges liés à la recher­che sur la synes­thé­sie que mène Sojung Jun à Paris.

Les hélio­gra­phies de León Ferrari, de par leurs com­po­si­tions rhi­zo­ma­ti­ques ou « archi­tec­tu­res de la folie » pour repren­dre les termes mêmes de l’artiste, font som­bre­ment écho au lacis de réfé­ren­ces qu’offrent la biblio­thè­que et l’expo­si­tion. La série a été com­po­sée pen­dant la dic­ta­ture argen­tine, alors que León Ferrari était en exil au Brésil, et joue des codes de l’abs­trac­tion géo­mé­tri­que redé­ployés en de tra­gi­ques laby­rin­thes ne lais­sant aucune issue aux indi­vi­dus.

Afin d’invi­ter à pren­dre le temps de la lec­ture, la Villa Vassilieff a pro­posé au desi­gner et artiste Vittorio Cavallini d’inves­tir son espace, sou­hai­tant que l’expo­si­tion s’ins­crive dans un lieu ouvert et hos­pi­ta­lier proche du cadre domes­ti­que offert par Marie Vassilieff au début du 20ème siècle. Au rez-de-chaus­sée, d’autres éléments de mobi­lier ont été réa­li­sés par l’artiste cubain Ernesto Oroza, Pernod Ricard fellow 2016, lors d’un work­shop orga­nisé pen­dant sa rési­dence à Paris.

Tell me the story of all these things s’atta­che à pré­sen­ter des tra­jec­toi­res indi­vi­duel­les faites de glis­se­ments, façon­nant des iden­ti­tés en per­pé­tuelle trans­for­ma­tion. De 1972 à 1982, Remzi Raşa a inlas­sa­ble­ment peint le mont de la Fournache dans la Drôme, qui lui rap­pe­lait les mon­ta­gnes du Kurdistan dont il était ori­gi­naire. Remzi Raşa a été formé à la pein­ture à l’école des Beaux-Arts d’Istanbul par le pein­tre Léopold Lévy – pho­to­gra­phié par Marc Vaux – appelé par l’ancien pré­si­dent de la République de Turquie Mustafa Kemal Atatürk pour « occi­den­ta­li­ser » la pein­ture turque. Remzi Raşa a su déve­lop­per son propre lan­gage en se nour­ris­sant de ses diver­ses influen­ces : Deux Cultures et son arrière plan rap­pe­lant les céra­mi­ques d’Iznik mani­feste l’ambi­tion d’asso­cier la com­po­si­tion d’une nature morte à la com­plexité déco­ra­tive des arts isla­mi­ques otto­mans. Somnath Mukherjee est un autre artiste dont la vie incarne cet enche­vê­tre­ment des cultu­res lié à l’exil. Ancien cycliste indien arrivé au Sénégal dans le cadre d’une mis­sion pour la paix en 1987, il s’est ins­tallé à Dakar où il a créé la troupe de danse Bharat-Pehchane, fruit d’un tra­vail cho­ré­gra­phi­que syn­cré­ti­que col­lec­tif. Cette ques­tion du lien créé à l’échelle indi­vi­duelle entre deux régions dis­tinc­tes du monde est au cœur de la recher­che pré­sen­tée par Vuth Lyno sur le cas par­ti­cu­lier de l’APRONUC (Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge) qu’il pré­sente comme une méta­phore de la dévia­tion de tra­jec­toi­res.

L’inven­tion de formes trans­lo­ca­les est d’autant plus néces­saire en temps de conflits, comme autant d’actes de résis­tance. Huda Lutfi ques­tionne ainsi la méta­mor­phose du mul­ti­cultu­ra­lisme cai­rote mais aussi la place de son propre tra­vail d’artiste depuis la révo­lu­tion de 2011 – date à laquelle elle a signi­fi­ca­ti­ve­ment com­mencé à inclure des éléments pho­to­gra­phiés dans la rue, lors de mani­fes­ta­tions notam­ment, dans ses œuvres. Ses sculp­tu­res, ins­tal­la­tions et col­la­ges par­ti­ci­pent d’une néces­saire décons­truc­tion des cli­chés sur l’Égypte, et inter­ro­gent le pri­vi­lège du regard dans l’espace éminemment poli­ti­que qu’est l’espace public.

Mélanie Bouteloup et Victorine Grataloup

 



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